Comment « ça » se passe quand on est à la campagne et que l’on veut du confort / respecter la nature / économiser l’eau ? Au Crapaud Sonneur, nous avons différentes options pour transformer le produit des toilettes de manière écologique.

Dans tous les cas, c’est transformé sur place et rendu à la nature.

Dans la maison, nous avons installé 4 WC fonctionnant avec une chasse d’eau ce qui permet de bénéficier du confort standard dont on a encore souvent besoin. On évolue, mais progressivement. Oui, nous continuons de gâcher de l’eau MAIS nous avons mis en place un réseau enterré qui emporte toutes les eaux usées dans un lagunage : des roseaux y poussent, transformant et nettoyant ces eaux sales qui sont ensuite filtrées une deuxième fois par la terre dans un réseau d’épandage. D’ailleurs, l’eau des douches intérieures et extérieures, des éviers et lavabos intérieurs et extérieurs, des WC de la maison vont là-bas aussi. Toutes ces eaux sont nettoyées naturellement et rendues au sol sur place. C’est un système très efficace, qui ne crée aucune nuisance et qui apporte même un peu de diversité car les plantes du bassin attirent des oiseaux et des papillons.

Pour les personnes qui dorment dans les tonneaux et les cabanes, nous proposons « l’expérience vase de nuit » :+) Eh oui, quand, pendant la nuit, il y a un petit besoin pressant, c’est parfois confortable d’utiliser le traditionnel pot qui sera vidé le lendemain. Franchement, on s’y habitue vite et on y prend même goût.

La troisième option est celle qui m’intéresse dans cet article : c’est celle des toilettes sèches. Nous en avons posé plusieurs, dans la propriété et dans la forêt, et il me tient à coeur de vous partager les raisons de notre enthousiasme à leur sujet.

Le recours aux toilettes sèches réalise une considérable économie d’eau

Les toilettes « classiques » constituent un immense gaspillage d’eau : la chasse d’eau représente 20 à 40 % de notre consommation d’eau pour charrier urines et matières fécales. Et c’est presque toujours de l’eau potable !

Les toilettes sèches évitent la contamination des eaux de ruissellement

Les chasses d’eau sont très vite mélangées aux eaux domestiques et de ruissellement. Par conséquent, dans les égouts, l’ensemble des eaux usées est contaminé par les germes et bactéries fécaux. L’azote et le phosphore (si précieux pour l’agriculture) y sont dilués et deviennent donc des pollutions. Les chasses d’eau apportent 80 % de la pollution physico-chimique et près de 100 % de la pollution bactérienne dans les eaux usées.

Les toilettes sèches évitent une dépense d’énergie

Le traitement de ces eaux nécessite l’utilisation d’énergie par les stations d’épuration. Notez bien qu’à l’heure actuelle nous ne parvenons pas à nettoyer parfaitement les eaux usées et que les résidus chimiques se retrouvent sous forme de nitrate et de phosphate dans la mer et dans les rivières.

Oups :

nous consommons de l’eau potable pour évacuer nos toilettes et nous consommons de l’énergie pour les nettoyer. Et malgré tout ça,
nous polluons les rivières et la mer.

Arghhhh!!!
Mais le plus absurde dans cette histoire, c’est que nous nous privons
d’une matière utile.

Urines et fèces sont des produits précieux que l’on peut transformer en engrais

« Les urines sont riches en azote et en phosphore tandis que les fèces le sont en matières organiques, qui permettent au sol de se structurer. Il n’y a pas de pertinence à les diluer dans une chasse d’eau alors qu’ils ont une valeur agronomique intéressante », explique Florent Brun, de Toilettes du monde, une association née dans la Drôme en 2000 et qui intervient sur la question de la précarité sanitaire. Les engrais vendus aux agriculteurs sont composés de potassium, de phosphore et d’azote, tous présents dans nos excréments, qui contiennent tout ce qu’il faut pour favoriser la croissance des plantes. Au lieu de recycler ce qui est abondamment accessible, nous élaborons des fertilisants par synthèse chimique ou par extraction minière, avec des procédés de fabrication eux-mêmes énergivores et polluants. De plus, comme toutes les ressources minières, le phosphore et la potasse ne sont pas renouvelables et localisés dans quelques endroits du globe. Un épuisement de ces ressources serait une catastrophe pour l’agriculture.

À savoir : le processus de compostage produisant l’humus élimine tout risque sanitaire (il y a néanmoins un temps de compostage à respecter).

Les toilettes sèches offrent un autre rapport à soi

Tout est fait dans notre mode de vie pour occulter cette fonction essentielle du processus de la vie en nous : l’élimination. On tire la chasse et zou ! Dans la mesure où les toilettes sèches nécessitent de prendre en considération ce qui est éliminé, elles nous incitent à mettre de la conscience sur l’élimination.

L’utilisation du vase de nuit oblige à porter le regard sur ce qui est sorti de notre corps; l’usage des toilettes sèches oblige à prendre acte que nous éliminons.

Quand les toilettes sèches se situent dans le jardin, il y a encore une autre dimension : on doit se déplacer et prendre du temps pour « y aller ». Cela s’inscrit dans le rythme de la journée et chacun repère les moments qui sont opportuns pour lui.

Cette fonction essentielle (dont l’importance se rappelle à nous quand on a un trouble digestif) de notre système ne mérite-t-elle pas qu’on lui accorde du temps et de l’attention ?

Les toilettes sèches offre un autre rapport au monde

Être davantage conscient de ce qui entre et de ce qui sort de notre corps, nous permet de nous ressentir comme un maillon du cycle de la vie : nous consommons des végétaux qui ont poussé dans une terre en se nourrissant de celle-ci et nous rendons à la terre, digéré, ce dont notre corps n’a plus besoin.

Quand on cultive son potager, que l’on se nourrit de celui-ci et que l’on va au petit coin du fond du jardin, on ressent cette inscription dans le cycle.

Le moment passé dans la cabane au bout du jardin est un moment précieux, une invitation à se relier aux éléments, à la vie du monde. Ecoutons les oiseaux en faisant silence, regardons les étoiles en y allant et profitons d’un moment de lien avec soi et avec la nature.

Notre expérience au Crapaud Sonneur

Nous avons installé deux toilettes sèches « à seau » dans le jardin, à proximité des cabanes et des tonneaux. Dans la forêt, près du sauna, nous avons dissimulé une toilette sèche « à trou ». Dans cette deuxième configuration, pas de seau à vider : un trou profond rend directement à la terre ce que nous lui donnons.

Nous aimerions que les toilettes portent encore mieux leur nom de « lieu d’aisance » et nous avons l’intention d’en augmenter le confort. Nous prendrons le temps cette année d’en améliorer l’éclairage et la décoration.

En ce qui me concerne, j’avoue les avoir vraiment découvertes seulement cet hiver, quand je n’avais plus le choix à cause des travaux de la maison. Il m’a fallu un petit effort au début pour sortir de ma zone de confort : je ne l’ai fait que lorsque j’y ai été contrainte mais maintenant, c’est adopté. Finalement j’apprécie d’aller « faire un petit tour au fond du jardin ».

Les seaux sont vidés régulièrement dans le bac à compost placé près d’une des toilettes sèches et recouverts d’écorces et de sciure. C’est tout à fait discret et inodore. Après compostage, nous utilisons le compost des toilettes sèches sur les arbres de la forêt-jardin. Dans le potager, nous utilisons plutôt un compost végétal (déchets de cuisine) enrichi par du fumier qui provient de la ferme biologique du Val d’Osseux et qui a été composté et dynamisé.

Merci d’avoir lu cet article et écouté ce que je voulais te partager : l’utilisation des toilettes sèches est un acte écologique et économique. C’est aussi un geste poétique et spirituel par lequel nous accueillons notre place dans la chaîne de la vie.

Tes retours d’expérience sont bienvenus, tes conseils pour améliorer le dispositif aussi.

A bientôt !